Radium Girls de CY.
Éditions Glénat (Collection Karma) – 2020 – 136 pages – 22 €
Bande dessinée | Sororité | Radium | Droit du travail | États-Unis d’Amérique | Années 20
Avertissement : [scènes avec présence d’alcool, thème de la maladie et de la mort]
La découverte du radium fait une entrée fracassante dans les États-Unis des années 1920. L’élément miracle, découvert par Marie Curie, baigne l’Amérique de son aura phosphorescente. 1918, Edna Bolz s’installe aux côtés de Grace, Katherine, Mollie, Albina et Quinta devant les établis d’USRC. Elles vont y peindre minutieusement leur quota de cadrans de montres, avec cette peinture si spéciale qu’elle permet de lire l’heure dans le noir. Lip. Dip. Paint. Trois mots, trois gestes qui les mèneront à leur perte.
Depuis sa sortie je tenais absolument à lire cette histoire, j’ai pu l’emprunter à la médiathèque, mais je me l’achèterai sans aucun doute, parce que cette bande dessinée est percutante. En tout cas, elle m’a marquée et me confirme que Cy est une bédéiste super intéressante.
C’est une bande dessinée tirée d’une histoire vraie, celle des Radium Girls qui ont permis aux ouvriers d’obtenir de nouveaux droits. Cy a totalement inventé le groupe de filles que l’on suit, mais elle a fait d’importantes recherches pour nous retranscrire l’ambiance des années 20 tant sur les vêtements que sur les décors. Et surtout, elle a donné à ces femmes une place parfaite pour ne plus jamais être oubliées. L’histoire des Radium Girls est aussi révoltante que touchante, et la sororité qui se dégage des filles est splendide.
Le scénario passe à une vitesse folle, j’avais vraiment hâte de connaître le fin mot de toute cette affaire, de voir comment le sujet est traité, qu’est-ce qui arrive à chaque fille, de savoir qui et comment cette peinture a pu une seule seconde exister. Bref, toute cette histoire met en exergue une foule astronomique de questions auxquelles la BD ne pourra pas répondre, même avec 136 pages. Les pages annexes avec l’interview de Cy permettent de comprendre sa démarche, son travail de documentation, ses choix scénaristiques et artistiques.
L’intrigue a un rythme très sympathique, ce qui permet d’enchaîner très vite les planches, j’aurais aimé quelques repères temporels un peu plus précis – mais c’est ici du chipotage. Cy a fait un très bon travail pour nous transporter dans ces années 20, en étant à la fois proche d’une réalité historique tout en véhiculant des idées très contemporaines. Les messages et les valeurs sont très émouvants, entre ces larmes, il y a des rires, des passages drôles et lumineux, ce lien formidable qui unit les filles. J’ai adoré suivre leur histoire, j’ai beaucoup aimé la fin, les dernières planches sont aussi belles qu’amères, mais elles sont grndioses.
Les personnages sont super intéressants à suivre, ce groupe m’a d’emblée séduite, avec des tempéraments plus doux, d’autres plus volcaniques, certaines sont attachées aux traditions et aux règles, d’autres ont plus de facilité pour transgresser les tabous. Je trouve que Cy a parfaitement travaillé l’équilibre entre ses protagonistes – mon petit bémol viendrait juste du fait qu’il m’a fallu un peu de temps pour bien différencier les filles. Un peu ma faute, en m’attardant davantage sur la couverture, on remarque très bien les petites subtilités pour les identifier aisément.
Enfin, les illustrations de Cy sont superbes. J’ai adoré regarder son travail avec ces crayons de couleurs, c’est hyper expressif dans le trait, la palette de couleurs qui est restreinte permet de mettre en valeur l’histoire et les personnages. Certaines planches sont très chargées émotionnellement, et j’applaudis la mise en scène de certaines illustrations en pleine page qui sont marquantes. Quant aux textes, les répliques sont modernes et fluides, ce qui rend la lecture très agréable, les bulles ne mangent pas les détails importants. C’est un très bel objet et le fait que la couverture s’illumine dans le noir ajoute un petit plus qui vient prouver que le livre a été pensé jusqu’au bout.